C’est à seulement 180 km de New Delhi, dans le village de Hathras, en Uttar Pradesh, qu’un viol collectif extrêmement violent a eu lieu mi-septembre. Un drame pourtant si courant. Une femme dalit de 19 ans aurait été violée par quatre hommes de son village, originaire de la caste dominante des propriétaires terriens, les Thakour. La langue de la jeune femme est mutilée par ses agresseurs, sa colonne vertébrale brisée. La police met une semaine à enregistrer sa plainte et refuse de reconnaître le viol. La jeune femme succombe finalement dans un hôpital de New Delhi, le 29 septembre. Mais l’oppression continue : la police s’empresse d’emporter le corps et procède à sa crémation, en l’absence et sans l’accord de sa famille. Guère ému par le sort de la victime, le gouvernement régional affirme vouloir ainsi éviter des «émeutes entre castes», mais cela permet surtout d’empêcher une nouvelle autopsie et d’étouffer ainsi l’affaire. Toutefois, cet affront aux rites hindous enflamme la population et décenche une mobilisation militante et médiatique. C’est alors que la machination politique vient s’ajouter à l’horreur.

«Un despote»

Le chef du gouvernement de l’Uttar Pradesh, le moine extrémiste hindou Yogi Adityanath, qui appartient à la même caste que les accusés, affirme que cette affaire est un «complot international» visant à souiller son gouvernement. Et contre-attaque : sa police accuse des journalistes d’avoir «offert 5 millions de roupies (57 000 euros) à la famille de la victime pour parler de viol» et ouvre donc une plainte pour sédition, incitation à la haine entre castes et dix-sept autres charges sévères.

Les premières victimes de cette répression sont, comme souvent sous son règne, quatre musulmans. Trois militants étudiants et un journaliste, qui se rendaient dans le village d’Hathras avec une pancarte indiquant «Ne suis-je pas une fille de l’Inde ?» Ils ont été accusés pour cela d’activité terroriste. «Yogi Adityanath ne tolère aucune forme de dissension, explique le journaliste régional Sharat Pradhan. Cette attitude vient de son passé de chef d’une congrégation religieuse. C’est effrayant, mais cet homme ne croit pas aux valeurs démocratiques, c’est un despote.» Ce proche allié du Premier ministre, Narendra Modi, est pourtant à la tête de l’Etat le plus peuplé de l’Inde, avec 230 millions d’habitants, où une famille dalit n’a même pas le droit de faire le deuil de sa fille violée et assassinée.

Source: https://www.liberation.fr/planete/2020/10/14/dalit-lives-matter-les-intouchables-se-mobilisent-apres-un-viol-collectif_1802301